Les sources peuvent-elles nous mentir ? Autour du portrait de Louis IX, un roi saint

Louis IX est plus connu sous le nom de Saint Louis, son règne est très étudié et documenté. Il faut absolument mentionner le livre de Jacques Le Goff à ce sujet, il a étudié tout son règne et l’a retranscrit dans un volume de 1000 pages. Cet historien a publié de nombreux ouvrages sur le Moyen Age et ses enjeux autour du pouvoir royal (la sélection de la BNF sur ce thème). Louis IX arrive au trône après le règne très court de Louis VIII, et surtout après le règne de Philippe Auguste qui a largement contribué à la reconstruction du royaume et par conséquent à son faste et à sa stabilité. Pour la petite anecdote, Saint Louis est aussi le premier roi à avoir « lancé la mode » de la robe bleue recouverte de fleur de lys blanche comme symbole royal qui le restera pour des siècles. Son règne et son statut de roi saint sont l’occasion aussi de s’interroger sur la véracité des sources historiques le concernant. Est-il possible de mentir à propos d’un roi ? Les écrits de l’époque sont-ils influencés par des enjeux politiques ? 

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Sculpture de Saint Louis, chapelle basse de la Sainte-Chapelle, 1248

Sa montée au trône

Un enfant sur le trône

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Le sacre de Saint Louis, XIIIème siècle

Il naît le 25 avril 1214, puis il est couronné le 29 novembre 1226. Je vous laisse compter … Il avait seulement 12 ans lors de sa montée au trône, et c’est mal vu par le clergé à cette époque :

« Malheur pour la ville dont le prince est un enfant »

Le royaume doit absolument trouver une solution. Sa mère, Blanche de Castille, est choisie pour être sa tutrice.

Une tutelle pour le roi et une bonne co-direction

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Blanche de Castille

Louis IX aime sa mère et lui laisse prendre de nombreuses décisions, tout en gardant une position forte en imposant son avis. Le royaume lui, l’apprécie moins car Blanche de Castille est brune, petit détail certes, mais assez rare pour l’époque. Elle doit donc faire ses preuves pour être reconnue autant que n’importe quel autre personne représentant le pouvoir royal.

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Blanche de Castille et Louis IX, Bible moralisée de Tolède, 1240

La bonne entente entre la mère et le fils est assez forte et se remarque sur des éléments d’architecture. Si vous avez l’occasion de visiter la Sainte-Chapelle à Paris, sur l’île de la Cité, vous trouverez au premier niveau (la chapelle basse) des murs recouverts du double symbole : la fleur de lys sur fond bleu pour Louis IX et un château sur fond rouge pour Blanche de Castille.

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Détail de la chapelle basse de la Sainte-Chapelle, 1248

Devenir un roi saint

Un roi très religieux

La co-direction laisse tout de même un clivage entre la vision du roi et celle de sa mère quant à la posture du roi par rapport à la religion. C’est un point important au Moyen Age puisque le roi est l’incarnation de Dieu sur Terre, son représentant direct. Louis IX se voit comme un roi chrétien, très religieux, à l’image des rois byzantins. Sa mère, elle, veut absolument le faire devenir un roi saint. Seulement lui, il voit ce statut royal comme un blasphème et ne veut pas aller dans ce sens.

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Entrevue de Saint Louis et du pape Innocent IV, Grandes Chroniques de France, Paris, XIVème

Le rire ? Un blasphème ?

Le roi aimait rire, sauf que le clergé voyait ça d’un mauvais oeil. Les dominicains trouvent que le rire déformait le visage de l’homme et le faisait ainsi ressembler au singe. Alors, Louis IX, en roi religieux, a voulu compenser cette tendance au rire en se l’interdisant une fois par semaine le vendredi. Et si ça lui arrivait de rire ? Très simple … Il se flagellait !

Un roi saint dans un royaume saint (chrétien évidemment)

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Juif portant la rouelle

Etant chrétien, il était anti-judaïste, contre les religieux du judaïsme (différence à noter, on ne peut pas parler ici d’antisémitisme). Il les considère comme des blasphémateurs.

En 1248, il devient un croisé, fasciné par Jérusalem et le tombeau du Christ. C’est le moment où pour la première fois les capétiens atteignent la Méditerranée, ce qui facilite grandement le chemin de la croisade.

Saint malgré lui

Arrivé en Egypte, il est capturé et relâché par les musulmans. Il rentre alors en 1254 au royaume et assiste à un accueil notable qui le surprend. Le christianisme à cette époque prend un véritable tournant, voyant le Christ non plus comme victorieux mais comme une figure de passion et de souffrance. Les dernières péripéties du roi le font apparaître pour les chrétiens comme un l’incarnation du Christ.

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Louis IX recevant les saintes reliques, Chroniques de Sainte-Denis, XIVème

En plus, chose extraordinaire, il ramène la couronne d’épines, le plus fort symbole de toutes les reliques chrétiennes qu’un roi chrétien puisse apporter à son royaume. La Sainte-Chapelle est construite pour accueillir cette relique exceptionnelle, à l’image d’un reliquaire monumental. Son architecture est innovante avec sa structure au 3/4 composée de vitraux faisant disparaître les murs (si cela vous intéresse, je peux développer cette architecture, dîtes-moi).

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Chapelle haute de la Sainte-Chapelle, 1248

Sa canonisation : les sources peuvent-elles être trompeuses ?

La mécanisation de canonisation (production de mémoire)

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La mort de Saint Louis, Chroniques de Saint-Denis, XIVème

Qui ?  2 institutions

Les ordres mendiants, dominicains et franciscains (nouveaux pour l’époque)

Les moines de Saint-Denis, bénédictins (nécropole royale)

Quand ?  à la mort de celui dont il est question

Quoi ?  chacun intervient pour défendre sa vision du défunt

Les mendiants veulent en faire un roi mendiant (logique)

Les moines veulent en faire un roi chrétien

Le problème ? Chacun veut influencer l’image et la postérité du défunt, pour trouver un intérêt à cette canonisation et ainsi légitimer leur institution religieuse.

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La canonisation de Saint Louis, Guillaume de Saint-Pathus, Vie et miracles, XIVème

Est-ce possible de les croire ?

A mon sens, trois points permettent de dire que les écrits concernant la canonisation du roi ne sont pas totalement fiables. D’abord, ils donnent des arguments qui vont dans le sens de leur opinion et de celle de leur institution. En plus, il est certainement difficile d’apporter des critiques négatives sur un roi, apprécié de tous qui plus est. Enfin, à postériori, les faits constatés sur la vie de Louis IX sont identiques à la vie des rois prédécesseurs …

La nuance supplémentaire à apporter serait de comprendre que le travail des historiens repose sur l’étude de tous ses écrits, d’abord avec les documents les plus récents puis en remontant la source de chaque argument apporté jusqu’à consulter l’original (du Moyen Age en l’occurence). Normalement, ce travail permet d’éviter les considérations mal à propos de certains historiens du XIXème siècle qui n’avaient pas la même approche qu’aujourd’hui. Dans ce cas, même l’original ne semble pas tout à fait véridique ! C’est à l’historien d’aujourd’hui de savoir composer avec ces écrits et d’y apporter les nuances nécessaires. La conclusion est de ne jamais prendre pour acquis toute information ou donnée historique.

Pour aller plus loin sur le débat sur la canonisation de Saint Louis

Et vous ?

Que pensez-vous de ces sources historiques ?

Pouvons-nous nous y fier ? 

L. S.

2 réflexions sur “Les sources peuvent-elles nous mentir ? Autour du portrait de Louis IX, un roi saint

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